Jérôme Brisebourg face au Spitzberg

CRESUS sera partenaire de Jérôme Brisebourg pour sa nouvelle aventure. C’est l’un des 2 seuls français à avoir réalisé le Grand Chelem des explorateurs (7 sommets les plus hauts du monde ainsi que le pôle Nord et Sud). Ce partenariat est né du partage de valeurs communes, de performance, audace, passion et économie responsable. L’aventurier a choisi comme nouveau défi, cette année, la traversée du Spitzberg, situé entre la Norvège et le pôle Nord. Ce ne sont pas moins de 600km à parcourir en 31 jours, à une température de -30° en moyenne. Pour l’accompagner dans cette aventure inoubliable, CRESUS lui a confié une des montres de sa sélection horlogère de seconde main : la Rolex Explorer II (ref 216570). 

Découvrez ici l’interview écrite entre notre CEO Maximilien Urso avec l’aventurier Jérôme Brisebourg. 

Maximilien : Bonjour à tous, je suis ravi d’être avec Jérôme Brisebourg avec qui Cresus collabore sur cette nouvelle aventure et qui est l’un des deux français qui a fait le grand Chelem des explorateurs. On va donc discuter un petit peu aujourd’hui avec Jérôme qui va nous expliquer son projet.

Jérôme : Effectivement le prochain projet, c’est le départ au Spitzberg qu’on va traverser du nord au sud. On va marcher à 600 km et on a fait un pari, c’est de le faire en 30 jours, et donc il faut courir ces 600 km en 30 jours.

Maximilien : Je voulais venir avec toi, mais j’avais un rendez-vous.

Jérôme : Ahah, tu avais un mot de tes parents ? Alors déjà, il faut situer cette île. C’est un archipel qui est à 600 km du cap nord au nord de la Norvège. En fait, tu es à 1 000 km du pôle Nord et la caractéristique de cette île, c’est que tu as 1000 habitants et surtout 3 000 ours polaires donc c’est le Royaume de l’ours polaire. Ils sont là l’hiver et puis l’été quand ils n’arrivent pas à repartir avec la banquise pour aller chasser un peu plus loin.

Maximilien : Il y une petite particularité, tu m’as dit parce que ça fait 300 km, mais tu m’as dit qu’on est dans une nature qui bouge donc on ne va pas tout droit et en fonction des crevasses, en fonction de la topographie, il faut savoir s’orienter et c’est là l’aventure, c’est que le chemin n’est jamais le même.

Jérôme : Déjà, on ne peut pas aller complètement au sud parce que c’est une réserve naturelle donc on va descendre pour après remonter. On ne va pas remonter en ligne droite parce que là effectivement, tu as 300 km, mais on va naviguer sur le terrain. Le terrain est composé à la fois des glaciers terrestres qu’on va remonter donc on va slalomer entre les crevasses et on va aussi traverser des fjords donc là, on sera sûr de la logique de marcher sur l’eau. C’est la combinaison de tous ces milieux de la banquise et les glaciers terrestres qui m’ont premièrement donné envie. La deuxième raison, c’est la rencontre avec la faune en tout cas ce qu’on espère, alors plus ou moins parce que pour l’ours polaire…

Maximilien : Tu m’avais dit qu’il court super vite. A quelle distance il peut vous détecter et quelle est sa rapidité parce que mine de rien à la télé c’est très sympa, mais en vrai, c’est autre chose.

Jérôme : Alors, je suis très ambivalent, j’ai très envie d’en voir un, mais si j’en vois un, ça veut dire potentiellement, je suis sa proie. On a bien en tête que l’ours polaire est tout en haut de la chaîne alimentaire alors que nous sommes au milieu de la chaîne alimentaire donc on est sa proie. Pour répondre à ta question sur les caractéristiques, un ours il arrive à te sentir à plus de 20 km et nous faisons 20 km par jour, c’est à dire qu’un ours il te sent à plus d’une journée de marche et quand il sprinte, il peut monter jusqu’à 40 km heure et nous, on sera à 3 km/h donc autant te dire que effectivement on a pas de chance. C’est donc important de bien choisir ton équipe, soit tu mises sur le matériel en espérant que par moins 30 degrés le fusil fonctionne bien donc il faut bien graisser et cetera soit tu te mets avec un équipier choisi exprès parce qu’il court moins vite que toi. J’ai appris ça en rencontrant les inuits, ils disent que quand tu n’as pas de fusil, le principal c’est toujours d’être 2 et donc tu choisis toujours quelqu’un qui court moins vite que toi ou alors tu lui fais un croche-pied comme ça voilà tu es sain et sauf.

Maximilien : C’est l’esprit d’équipe bienveillant.

Jérôme : Voilà jusqu’à un certain point. Après donc on risque de rencontrer pas mal de renards arctiques, rennes arctiques, sterne arctique on aura peut-être la végétation à quelques effleurements. On commencera à voir la toundra, voilà c’est le printemps là-bas et donc c’est un peu la renaissance aussi de 20 ans.

Maximilien :  Mais avec des températures entre moins 20-30 en permanence.

Jérôme : C’est ça, sauf réchauffement climatique qui peut exercer une influence. Je te donne un exemple, l’année dernière à la même époque, je faisais la traversée du passage du nord-ouest au nord du Canada chez les inuits et donc c’était en avril, on était équipé pour du moins 30. Avec le réchauffement climatique, on a eu 4 ou 5 jours de moins 30 et ensuite on a eu jusqu’à du moins 5 donc c’est tout confort parce qu’il y a moins besoin de faire attention à ne pas geler et on a eu très chaud au pied parce qu’on avait des chaussures qui vont à moins 50 et les pieds gonflaient. C’est très alarmant puisque ça te montre que la saison a 2 mois d’avance en fait par rapport au climat habituel donc peut-être qu’on va rencontrer ça aussi. Au Spitzberg, c’est l’inconnu.

Maximilien : Jérôme, c’est quand même une expédition de 30 jours, comment on se prépare et aussi comment on arrive à garder un état d’esprit toujours positif au milieu de nulle part avec une équipe qu’on ne connaît pas forcément toujours. Donc comment tu prépares ce genre d’expédition ?  

Jérôme : Tu as deux préparations, la première préparation c’est l’expérience. Avant de lancer sur un projet de 30 jours, peut-être qu’avant et c’est mon cas, tu as fait d’autres projets qui te permettent de te connaître sur ces milieux là où il fait froid, ou tu es en conditions rudimentaires, où il y a du danger et où tu es isolé. Tu as la préparation mentale et la visualisation de ce qui t’attend donc tu gagnes un peu de temps. Bien entendu tu vas chercher plein d’autres informations pour connaître le milieu et les spécificités du relief qui vont t’amener après à t’entrainer spécifiquement pour ce projet. La deuxième préparation, c’est la préparation que vous appelez courte. Je pars en mars et ce sont les exercices que j’ai repris depuis septembre donc tu vois ça fait 6 mois de préparation avec des logiques de renforcer ton endurance parce qu’on va marcher 10 h par jour donc l’idée c’est quand même de tenir 10 h. Il y a aussi des logiques de résistance en tout cas de renforcement musculaire parce qu’on va traîner plus de 80 kilos de matériel donc il faut un petit peu se muscler.

Maximilien :  Chacun traîne son matériel dans les traîneaux qui s’appellent des pulkas ? Je suppose qu’il y a une sélection parce que dans le monde idéal on va mettre plein de choses et plus tu prends de choses plus c’est lourd plus tu te fatigues mais en même temps il y a des choses qui sont incontournables. Tout le monde a 80 kilos ?

Jérôme : Ça dépend des personnes, effectivement tu rassembles les équipements dont tu as besoin, tu te poses la question de savoir de quoi je vais avoir besoin, ce n’est pas de quoi j’ai envie c’est de quoi j’ai besoin. Si tu as envie d’un livre, ok mais c’est toi qui le portes donc l’envie vient après. Un exercice aussi difficile dans la préparation, c’est le bon choix du matériel et tu vas essayer d’avoir quelque chose de plus polyvalent possible pour faire face aux différentes situations que tu vas rencontrer. Tu ne sais pas exactement toutes les situations que tu vas rencontrer. Je suis toujours frustré à la fin quand je regarde et je me dis que ça je l’ai porté pendant 30 jours pendant 600 km et ça ne m’a servi à rien donc c’est de l’énergie perdue. L’arbitrage on va jusqu’au bout, ça se fait aussi sur la nourriture, là on est parti sur l’idée d’avoir 30 rations de nourriture et chaque ration de nourriture par jour c’est un kilo. Dans un kilo de nourriture sèche lyophilisée ou des cacahuètes, du chocolat et cetera, tu as tes 5 à 6000 calories l’objectif c’est un kilo par jour voilà donc ça t’amène à ne pas prendre d’extra. Tu peux en prendre pour avoir plus de calories mais à nouveau c’est toi qui portes.

Maximilien : Par rapport au temps, comment tu situes la gestion du temps parce qu’on est au milieu de nulle part donc les repères comme le temps, le sommeil, la nuit qui qui arrive… Le plan initial est là mais s’il y a des aléas comment on gère le temps et est-ce qu’il y a des journées qui paraissent plus longues que d’autres ou voilà comment ça se passe au niveau du coté temporel ?

Jérôme : Donc on est très rythmé, le plus important en fait c’est la gestion d’énergie et donc la répartition des repas dans la journée. On va démarrer avec 7 cycles de 50 min. On fait donc 50 min et on s’arrête 10 min, on mange, on boit, on repart 50 min et cetera donc tu rythmes ta journée sur des cycles comme ça. Tout est très timé et c’est vraiment la montre qui dicte le rythme. La responsabilité que tu as c’est de respecter ce timing parce que si plutôt que de faire 50 min tu fais 1h15, tu te mets en difficulté pour les cycles qui suivent. Alors comment on fait pour avancer, on est un petit peu comme des cyclistes. Si on était nous deux Maximilien peut être que dans un premier temps c’est toi qui serais devant, tu ferais les 50 min, on se repose, et après c’est moi qui suis devant et ainsi de suite. La responsabilité du timing revient à celui qui est devant. Il est responsable de la direction, du choix de chemin, de la voix, du rythme et donc qui est du temps.

Maximilien : Dans l’horlogerie on est vraiment aussi très précis donc en effet il y a une discipline assez stricte. C’est un métier méticuleux l’horlogerie avec des montres ou il y a des complications et en effet, il y a une notion de temps unique avec les montres et c’est là où nous univers se rejoignent.

Jérôme : La montre est très utile, on a par exemple démarrage à 09h, comme il fait froid et qu’on sera plusieurs tentes c’est 9 h on démarre ça veut dire que tu finis par défaire ta tente au dernier moment à 09h moins 5 parce que tu es en attente dans le froid. Ça veut dire que tout le monde est timé là-dessus parce que si toi tu es prêt à 08h50 et moi je suis prêt à 09h10, tu vas passer 20 min par moins 20 ou moins 30 et là tu perds de l’énergie donc oui on est très sur le timing pour ces logiques de coordination et de gestion d’énergie.

Maximilien : Donc Jérôme là il y a 30 jours comment tu fais pour tenir quel est ton mantra qui te permet de te lever le matin quand tu te dis, on part à 9 h pile, et pour être motivé ?

Jérôme : Alors effectivement, sortir de son duvet le matin pour te dire que tu vas marcher 10 h par moins 20 ce n’est pas facile. La première question avant le mantra c’est savoir pourquoi tu es là, qu’est-ce que tu viens chercher puisque c’est dans les moments difficiles que tu vas te rappeler pourquoi je suis là et qu’est-ce que j’apprécie. Là il faut prendre un peu de hauteur sur le projet ou le sens que ça a de manière générale mais ça ne suffit pas. Donc moi j’ai 2 mantras, bon, ils sont peut-être ridicules mais ils sont vraiment très utiles. Le premier c’est un pas après l’autre donc je ne cherche pas à me dire il me reste 583 km, il me reste 458 km puisque quand tu es dans le dur et que tu te dis ça, ça ne te fera pas avancer. Je me concentre sur les pas et je reste dans le présent. Je te donne un exemple pour le pôle Sud, on a fait 650 km en 35 jours et pendant 35 jours j’ai appris à compter jusqu’à 10, 123 et cetera et quand ça montait je m’arrêtais à 5 je reprenais ,1345. C’était aussi mon marqueur ou à un moment donné, tu ne penses plus, tu n’es plus dans l’instant présent et là tu te surprends en train de dire 37 38 39 et mince j’ai dépassé les 10 ça ne va pas, il faut que je me re concentre. Si je ne suis pas dans l’instant présent peut-être que je vais commettre une erreur peut-être que je vais prendre un risque.

Pour le dernier mantra, j’ai le luxe de faire ces projets pour la première fois donc à chaque fois quand c’est vraiment dure je me dis qu’à ce moment-là de l’expédition je n’ai jamais été aussi près du but. C’est complètement ridicule quand il te reste 400 km à faire mais c’est vrai qu’à cet instant-là, je n’ai jamais été aussi proche du but. Donc c’est voir finalement la finalité plutôt que de se dire « ah c’est dur je ne vais pas y arriver » mais se dire écoute là dans le projet, je n’ai jamais été aussi proche du but.

Maximilien : J’aime beaucoup ton approche d’avancer pas à pas donc merci beaucoup en tout cas pour ce partage et on est vraiment fiers de t’accompagner sur cette belle aventure

Jérôme : Merci Maximilien