Le 3 décembre 2015 se tenait la 19e Journée Internationale du Marketing Horloger à la Chaux-de-Fonds avec un sujet complètement inédit : les vies multiples d’une montre.
Retour sur une journée des plus enrichissantes, qui a permis de rapprocher deux mondes, pas si lointains…
Le marché des montres de luxe d’occasion est estimé plus de 10 milliards de francs suisses par an ; et surtout, représente des milliers, des millions de clients. Pour mieux comprendre les enjeux de ce marché, ses clients, et en représenter un portrait fidèle ; quoi de mieux que de donner la parole aux acteurs hétéroclites et incontournables qui font ce marché en 2015 ?
Les clients, principaux acteurs du marché des montres de seconde main
Christian Odin, Cresus
Christian Odin, CEO de Cresus, numéro 1 sur le marché de la montre de luxe d’occasion, a donné le ton de la journée, en partageant son expérience du marché « pre-owned » requalifié en « seconde main ». Le premier conférencier de la journée a rappelé les origines de ce marché, ses enjeux, ses possibilités d’évolution, et affirmé que le marché des montres de luxe d’occasion, et donc Cresus existe aujourd’hui par et pour ses clients. Un marché d’ailleurs naturellement alimenté d’année en année par les marques.
Sur l’idée « ce qui n’est plus utile à l’un peut être recherché par l’autre » Christian Odin a souhaité expliquer que les actes de transmission de son patrimoine à un proche sont loin de constituer l’essentiel des actes de cession ; les montres peuvent changer de famille pour un tas de raisons… D’ailleurs, la pérennité et la qualité des montres de marques suisses, ainsi que leur forte image ont favorisé le marché second, qui n’existerait pas sans ces critères.
Et justement, c’est cette image de marque qu’il est important de préserver. La présence d’un acteur sérieux et reconnu comme Cresus est en somme un gage de réassurance pour les marques puisqu’il respecte, vend et préserve les valeurs et l’identité de chacune des marques présentes dans son business.
Il s’agit également d’entretenir le rêve… Les clients n’ont jamais renoncé au luxe, ils ont adapté leur comportement d’achat.
Et parce qu’il a le pouvoir, le client est exigeant. Cresus se doit, pour être à la hauteur des attentes, de proposer un niveau de services élevé, des services différenciant, avant l’expérience, mais aussi pendant, et après ! C’est un axe stratégique qui permet à Cresus d’être plébiscité aujourd’hui, et de l’être encore davantage demain, avec des perspectives de développement certaines.
Patrimoine et Héritage : la responsabilité des marques
Table-ronde des experts
La matinée fut également rythmée par les invités de marque de la table ronde : Walter von Kaenel, président de Longines; Antoine Simonin, éditeur horloger; Régis Huguenin-Dumittan, directeur du MIH; Valéry Bezençon, professeur de marketing à l’Université de Neuchâtel. A travers de passionnantes interventions, les experts ont mis en relief l’histoire et l’héritage des marques, soulignant l’importance de pouvoir donner satisfaction au client qui se renseigne sur la traçabilité de sa montre, avec une demande croissante chaque année…
Quand passion rime avec occasion
Geoffroy Ader, Antiquorum
Après les experts de la matinée, place à la passion et au monde incroyable de la vente aux enchères, avec Geoffroy Ader, Antiquorum. Nous avons prêté une oreille très attentive à ce retour d’expérience prouvant que le marché des enchères était largement dominé par Rolex et Patek Philippe(…) et que la passion était le moteur de ce système. Une passion qui n’a pas de frontière et ne fait pas de différence entre le neuf et l’occasion ; preuve en est avec le succès incroyable des dizaines d’années de ventes aux enchères…
Cette passion est d’autant plus incontournable, qu’elle a une incidence énorme et directe sur le prix des montres, comme le soulignait déjà Kim Claes, Sungkyunkwan Graduate School of Business, la veille, et Kalust Zorik, Président des Journées internationales du marketing horloger dans cette interview : le prix des montres sur le marché de l’occasion ne peut qu’influencer favorablement le marché du neuf et incite les marques à augmenter le prix de leurs modèles.
Ainsi, le marché de la seconde main ne porte pas préjudice aux marques, bien au contraire, puisque les montres vendues ne cessent d’alimenter le désir pour la marque et attestent de la durabilité des produits horlogers…
Le rôle du marché de l’occasion dans tous les domaines du luxe
Table ronde vision sectorielle du « pre-owned »
Avec Raynald Gérard Friedli, expert en automobiles de collection; Nicolas Galley, directeur des études, Art Market Studies, Université de Zurich; Grégory Pons, éditeur, Business Montres & Joaillerie; Jean-Marie Schaller, CEO Louis Moinet pour un éclairage des plus intéressants sur le monde de l’art, et les mécaniques d’achat et de distribution des occasions dans d’autres secteurs. Nous retiendrons notamment l’intervention du CEO de Louis Moinet, qui a fait renaître la marque de ses cendres, à partir de quelques pièces et documents. « C’est grâce au marché de l’occasion que j’ai pu acquérir les pièces de l’horloger, et faire valoir ses travaux pour reconstituer l’ADN de la marque. »
De l’importance de l’expertise sur le marché du vintage et de la seconde main
Osvaldo Patrizzi
On ne le répète jamais assez : rien ne vaut l’expertise d’un horloger et d’un expert pour estimer sa montre! Il y a tellement de paramètres qui peuvent entrer en compte… jusqu’au plus subjectif comme la beauté de l’objet… Pour l’expert, ce n’est pas parce que vous possédez une Breguet que vous pourrez la revendre extrêmement cher. « Si vous avez la signature mais que l’objet n’est pas beau, alors son estimation baissera considérablement » estime M.Patrizzi. Quant aux montres vintage, elles trouvent notamment leur valeur dans l’histoire qu’elles dégagent. On vendra bien plus cher un objet ayant appartenu à telle ou telle personnalité historique, que le même objet sans autre histoire que la sienne…
Les enjeux du marché de la seconde main pour les horlogers
Manuel Yazijian, Watch Inspector USA et Jose Luis Alvira, Bonhill Group
Business. Jose Luis Alvira en a témoigné pour les Etats-Unis notamment, les possibilités sont immenses, et le business de la seconde main florissant : les marques se rallieront-elles à ces opportunités ?
Maitrise. Les enjeux sont multiples, mais quels que soient les scenarii, l’enjeu le plus important pour la marque est bien de maîtriser son image, et les montres qui vivent leur seconde vie… Autrement dit intervenir dans ce marché pour limiter le périmètre d’action des contrefacteurs, ou encore d’acteurs peu scrupuleux, comme c’est le cas aux Etats-Unis où les problèmes de service après-vente, notamment, se multiplient…
Pour en savoir davantage, rendez-vous sur le site des Journées internationales du marketing horloger.
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Merci aux finalistes des 10ème JRMH d’avoir partagé leurs travaux avec nous !
>Elisabeth Robinot, Université du Québec à Montréal et Université Savoie Mont-Blanc, Annecy et Léo Trespeuch, Université Pierre Mendès-France, Grenoble sur le thème « Un jour, tu hériteras de ma montre, mon fils : vers une compréhension plus fine de la seconde vie d’un objet de luxe »
> Kim Claes, Sungkyunkwan Graduate School of Business, Séoul et Ryan Raffaeli, Harvard Business School, Boston sur une analyse des montres du marché de seconde main à travers la base de données d’Antiquorum.
> Catherine Bourdin Mougel, CCI du Doubs, Karine Brisset, Université de Franche-Comté et Laurent Sage, CCI du Doubs pour le sujet L’enchère en ligne : un mécanisme de transaction efficace pour les montres « pre-owned » ? Gagnants du prix des JRMH !
Crédits photos : P.-W. Henry/JIMH